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COLLECTION 

LUCIENNE LAZON

MAÎTRE
ARMENGAU
HÔTEL DES VENTES D'AVIGNON
2 DÉCEMBRE
2023
RÉSULTAT 
120.755 €

LUCIENNE LAZON (1910-2007)

Peintre, graveuse et joaillière, créatrice de la première Palme d'Or du Festival de Cannes en 1955, membre de la Société des Artistes Décorateurs. Elle fut proche du sculpteur Sébastien (1909-1990), rencontré dès 1934, sociétaire du Salon des Artistes Décorateurs, qui réalisa, pendant de nombreuses années, les socles en terre cuite destinés à recevoir les Palmes d'Or. Sébastien est un artiste rare sur le marché de l'art, dont on peut apprécier l'univers onirique au musée de La Piscine de Roubaix, qui conserve un ensemble exceptionnel de ses œuvres. 

Par ailleurs, Lucienne Lazon et la famille Jouve étaient déjà des intimes avant-guerre. Par la suite, elle participa aux côtés de Georges Jouve (1910-1964) à plusieurs manifestations dont le 35ème Salon de la Société des Artistes Décorateurs à Paris en 1949. Lucienne Lazon a également rencontré Gaston Le Bourgeois (1880-1956), artiste décorateur et sculpteur animalier, au Salon des Artistes Décorateurs, où celui-ci fut repéré par Jacques Doucet. Hormis ces rencontres professionnelles sur les salons, ils se voyaient régulièrement à Rambouillet où ils habitaient l'un et l'autre, et le sculpteur offrit à plusieurs reprises une de ses œuvres à la joaillière. 

GEORGES JOUVE – APOLLON ET LE SOLEIL

cet élément amène à s’interroger sur le sens qu’il portait aux yeux de son créateur. L’artiste, une fois installé à Paris, poursuivra l’utilisation de ce modèle de miroir Soleil, abandonnant l’alquifoux au profit d’un émaillage plombifère (souvent blanc), jusqu’au milieu des années 1950.

 

Motif récurrent en histoire de l’art, le soleil revêt de multiples significations selon les civilisations qui le figurent, bien qu’universellement il soit caractérisé par sa puissance et le symbole de vie qu’il incarne. L’astre du jour est celui qui éclaire, réchauffe et révèle les choses aux yeux du monde par son rayonnement – ce qui fait de lui l’étoile la plus importante. Il est également associé au Bien, à la lumière et à la connaissance – notamment chez Platon, dans son célèbre dialogue La République (2). Georges Jouve ne pouvait ignorer ces acceptions évidentes et diverses – d’autant que son surnom d’Apollon le définissait en artiste solaire. Son utilisation fréquente de ce motif ornemental dans les années 1940 pourrait alors correspondre – dans le contexte des traumatismes de la guerre et de la quête d’un retour à l’humanité qui en découle – à cette image de renouveau et de vie. En effet, la forme même du soleil évoque le cercle, à savoir une forme parfaite, synonyme de cycle et de régénération – donc de renouveau. Parfois figuré comme centre des quatre points cardinaux, le soleil chez Jouve adopte alors une image d’harmonie et d’équilibre – les points cardinaux étant le symbole de l’ordre cosmique. S’ajoute à cela la représentation conjointe de ses rayons à la fois ondulés et droits – comme c’est le cas sur notre miroir – qui évoquent la dualité des forces directes et indirectes, puissantes et douces, le yin et le yang ; et donc l’harmonie. Enfin, on relève également le visage humain conféré au soleil dans de nombreuses œuvres de Jouve. Ce détail décoratif n’est pas propre au céramiste mais existe en histoire de l’art depuis toujours. La présence d’un visage permet le contact direct avec le spectateur et invite à la réaction – la rencontre avec l’Autre formant un acte anthropologique primordial (3). Le miroir Soleil recevant une glace en son centre, c’est ici le regardeur qui voit la réflexion de son propre visage – renforçant l’idée que l’humain occupe la place centrale dans travail de la terre chez Georges Jouve.

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(1) Pierre Staudenmeyer – La Céramique française des années 50 – Éditions Norma, Paris, 2001, p. 34-36.

(2) Corinne Morel – Dictionnaire des symboles, des mythes et des croyances – Éditions L’Archipel, Paris, 2018, p. 822-826.

(3) Voir « Une étoile à visage humain » in Face au soleil, un astre dans les arts – Catalogue de l’exposition itinérante organisée au  Musée

Marmottant Monet, Paris (14 septembre 2022 – 29 janvier 2023) ; au Musée Barberini, Potsdam (25 février – 11 juin 2023), Éditions Hazan, 2022, p. 21-35.

Artiste indissociable de la renaissance de la céramique française de la seconde moitié du XXe siècle, Georges Jouve (1910-1964) est à l’origine d’une œuvre avant-gardiste, marquée par la pureté formelle ; des lignes simples et élégantes. Formé à l’École Boulle, les événements de la Seconde Guerre mondiale décidèrent de sa rencontre avec le matériau terre. Se réfugiant dans la Drôme, auprès de sa belle-famille, Jouve découvrit les traditions potières des villages de Nyons, connu pour sa production de santons, puis de Dieulefit. Durant ces temps troublés, de nombreux artistes furent dispersés à travers la France, dans l’incapacité d’exercer leur métier de formation – et donc de gagner leur vie. Ils se tournèrent alors vers la poterie, dont les ateliers étaient désertés, pour poursuivre leurs recherches plastiques. S’opéra ainsi durant le conflit et l’immédiat après-guerre un « retour à la terre », réponse à la déconstruction du monde – le recours à ce matériau brut et simple permettant une réintroduction de l’humain au cœur de leurs créations. Poursuivant cette même visée humaniste, Georges Jouve s’attela à articuler ce rapport homme/matière dans ses expérimentations en céramique (1).

Introduit à la terre à Nyons, ses premières créations oscillèrent entre tradition locale et tendances modernes, preuves de son univers déjà en germe. Aussi, il adopta l’émaillage à l’alquifoux et commença par réaliser des sujets religieux, des miroirs ou encore des bénitiers – en s’alignant sur la tradition provençale.  Notre miroir Soleil témoigne du travail de Jouve de cette période ; à la fois par son utilisation de l’alquifoux et par sa recherche autour de nouveaux éléments ornementaux aux formes épurées et modernes. Le soleil sera un motif récurrent dans son œuvre des années 1940 et 1950 – on pense ici à sa Table d’orientation (1948) ou aux nombreux vases Soleil en céramique émaillée polychrome qu’il modela.  Ainsi, la répétition de cet

SÉBASTIEN – LE PRÊCHE AUX OISEAUX

Communément célébré comme sculpteur, Sébastien fut avant tout un artiste pluridisciplinaire qui, s’intéressant à de nombreux modes d’expression artistique, associa son amour pour la sculpture, la céramique, la peinture et la photographie dans la création d’une œuvre singulière à la sensibilité marquée. Formé à l’ébénisterie à l’École Boulle, il développa très vite son goût pour les volumes, qu’il transposa alors dans tous les aspects de son univers créatif, régi en premier lieu par son travail de sculpteur-céramiste.

Ce fut son initiation au travail de la terre dans un village de potiers marocains, lors de son service militaire, qui décida de l’orientation de ses recherches plastiques. L’artiste utilisa ainsi la terre en sculpture, créant des sculptures-céramiques anthropomorphes au style caractérisé par un certain maniérisme et par leur aspect rosé, couvertes d’un engobe blanchâtre, à la manière d’un cérusé, les rendant très reconnaissables.


L’œuvre en terre de Sébastien naquit au début des années 1930 dans le contexte d’un renouvellement de l’art céramique et s’orienta vers le figuratif et la ronde-bosse, ainsi que vers un certain primitivisme vraisemblablement influencé par l’Exposition Coloniale de 19311. Ce renouveau céramique s’accentua la décennie suivante, au moment de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux artistes se passionnèrent pour ce nouveau moyen d’expression et investirent alors des centres de poterie traditionnelle jusqu’alors délaissés. Se réfugiant en zone libre à Vallauris, Sébastien fut l’un de ceux-là et, très vite, son nouvel environnement artistique confirma son attrait pour le travail de la terre initié au Maroc. Son œuvre des années 1940 connaitra une évolution vers des lignes plus souples dans la représentation de ses personnages.

personnages, notamment dans sa manière de rendre vêtements et chevelures. Simplicité, naïveté, sincérité émanent de ses sculptures ; mais aussi foi, humanité et mysticisme. En perpétuelle évolution, les œuvres de Sébastien révèlent une sensibilité et une spiritualité constantes – d’autant plus manifeste dans les nombreux sujets religieux qu’il figura – et tendront vers encore plus de mysticité dès les années 1950. Ainsi, son utilisation de formes rondes, associées à un registre candide et pur, complète cette manière très personnelle, éloignée des images du passé, mais vectrice d’une poésie au caractère universel qui traversera toute son œuvre, dans sa grande diversité.


Le Saint François présenté ici s’insère pleinement dans ce contexte de création. Abordant le motif de Le Prêche aux oiseaux, inspiré de la légende de Saint François d’Assise, Sébastien figure dans sa sculpture en terre cuite l’épisode de la transmission de la Parole de Dieu à des oiseaux, créatures considérées inférieures mais tout aussi dignes de l’amour divin, que le saint avait rencontrés sur son chemin. Ce thème régulièrement évoqué en histoire de l’art est ici traité en sculpture ; le saint représenté en ronde-bosse, dans le style caractéristique du sculpteur, étant figuré au premier plan d’une coupe gravée et émaillée de motifs des oiseaux. La sculpture montre le saint vêtu de son habit de franciscain, auréolé, désignant par un geste des mains expressif le ballet des oiseaux s’envolant autour de lui, gravé sur un fond suggérant le ciel.

À travers cette œuvre, Sébastien témoigne une fois encore de sa pluridisciplinarité : sculpture, céramique, gravure et peinture se mêlent pour faire naître cette composition sculpturale simple et complexe à la fois, emplie de spiritualité.

GASTON LE BOURGEOIS

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