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COLLECTION COLETTE CREUZEVAULT PARTIE IV (3)_edited.jpg
ADER NORDMANN & DOMINIQUE
HÔTEL DROUOT
PARIS
30 OCTOBRE
2024
RÉSULTAT 
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De la collection Henri et Colette Creuzevault, les trois premiers volets de la dispersion de cet ensemble exceptionnel ont quasiment tout dit ; les choix artistiques forts d’Henri Creuzevault, son appétence pour la sculpture qui l’amènera à consacrer Richier et découvrir César, ses liens avec Alexandre Iolas et le mouvement surréaliste au travers de Ernst ou Matta, les amitiés artistiques de Colette, les expositions historiques de la Galerie, etc…

 

Mais c’est aujourd’hui un volet différent que nous explorons au travers de cette vacation, nous sommes « Chez Colette Creuzevault » !

 

Ici, dans son hôtel particulier du XVIe arrondissement, et comme pour la galerie, l’héritage d’Henri est omniprésent. Ses artistes garnissent les murs avec ceux que Colette a régulièrement exposés. Les pièces de mobilier et sculptures de Niki de Saint Phalle évoluent, à chaque étage, parmi les meubles rustiques et Haute époque qu’affectionnait Henri. L’esprit du Fort Queyras, projet fou d’Henri, plane sur le lieu.

 

Au second, une réserve nous dévoile les coulisses de l’aventure de la galerie Creuzevault. On y exhume les projets originaux de César pour l’exposition Tête à têtes, fruits de véritables échanges entre l’artiste et sa galeriste. On découvre aussi le monde merveilleux de Sophido et son bestiaire si singulier. Dans le bureau-bibliothèque ou la salle de bain, chaque œuvre, chaque dédicace, témoignent de la richesse de cette aventure artistique exceptionnelle.

« […] Maintenant, je mets la couleur moi-même. Dans cette affaire de couleurs, j'ai peut-être tort, j'ai peut-être raison. Je n'en sais rien. Ce que je sais en tous les cas, c'est que ça me plaît. La sculpture est grave, la couleur est gaie. J'ai envie que mes statues soient gaies, actives. Normalement, une couleur sur de la sculpture ça distrait. Mais, après tout, pourquoi pas ? »

– Germaine Richier (1)

Bien qu’au fait des expérimentations d’avant-garde entre peinture et sculpture dès le début du 20e siècle, ce n’est qu’à partir de 1952 que Germaine Richier fera entrer la coloration dans son œuvre – faisant intervenir des peintres comme Hans Hartung (1904-1989), Zao Wou-Ki (1920-2013) ou Maria Helena Viera da Silva (1908-1992) sur des fonds devant lesquels elle présentait ses sculptures. Mais c’est seulement à la fin de sa vie que l’artiste peindra elle-même ses créations – dans un moment marqué par sa difficulté à modeler (2)

Le Chardon (Soleil) figure parmi ces dernières œuvres réalisées par l’artiste. Sur cette sculpture au modelé caractéristique, témoin des recherches constantes de Richier autour de la représentation de la figure humaine, s’étend un jeu de polychromie assez marqué, qui semble ajouter à l’expressionisme du bronze.

 

Plus qu’un symbole de restriction, cette œuvre incarne peut-être l’expression la plus complète des expérimentations plastiques de la sculptrice. Ce Chardon à l’aspect fragile et au modelé irrégulier, privé de bras, figure à lui seul cette tension entre mouvement et immobilité, qui personnifie l’équilibre fragile de la vie. Son visage soleil témoigne d’une hybridation qui évoque l’imaginaire sans borne de l’artiste. La présence d’un fonds naturel renvoie quant à lui à la notion d’espace/temps qu’elle aborda dans ses sculptures à fonds peints ; bien qu’ici la polychromie quitte l’espace (le fonds restant en l’état) pour gagner la figure elle-même. Richier y utilise la couleur « de façon phénoménologique, au sens où, avec elle, c’est par sa force et son intensité que la peinture influe sur la forme » (3). L’application de couleurs vives, variées, vibrantes, déposées à la surface du bronze de manière libre et très contrastée sert à accentuer l’expression même de la figure et accroît ses interactions avec la lumière, donnant ainsi vie à la matière.

C’est en suivant cette ligne que Germaine Richier créera la même année l’une de ses œuvres majeures, et dernier groupe monumental, son Echiquier grand format. Ces sculptures peintes, des dernières années, par leur forme, leur expression, et leur vitalité, s’érigent parmi les plus essentielles du corpus de l’artiste et semblent déjà préfigurer une nouvelle approche de la sculpture, éloignée des procédés traditionnels, qui sera ensuite développée par le mouvement Pop Art ou les membres du Nouveau Réalisme, à l’instar de Niki de Saint-Phalle et de ses Nanas (4).

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(1) Propos recueillis par Yvon Taillandier in XXe Siècle – N° 4 de 1959, cités in Ariane Coulondre (dir.) – Germaine Richier – Catalogue de l’exposition organisée au Centre Pompidou, Paris (1er mars – 12 juin 2023) ; au Musée Fabre, Montpellier (12 juillet – 5 novembre 2023), Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2023.

(2)  Voir : Ibid., p. 236.

(3) Germaine Richier, Rétrospective – Catalogue de l’exposition organisée au Kunstmuseum, Berne (25 novembre 2013 – 6 avril 2014); à la Kunsthalle, Mannheim (9 mai – 24 août 2014), Wienand Verlag, Cologne, 2014, p. 53.

(4) Ibid., p. 57.

et la polychromie

GERMAINE RICHIER

« Pour moi, l’art et la vie, c’est la même chose. C’est pour ça que mes sculptures font partie de la vie quotidienne des gens. »

– Niki de Saint Phalle (1)

et les arts décoratifs

Niki de Saint Phalle

Soutien indéfectible et amie de longue date de Niki de Saint Phalle, Colette Creuzevault a largement contribué à la diffusion de ses œuvres en l’exposant à de multiples reprises dans sa galerie, lors de présentations monographiques ou collectives. Son amour pour l’art de l’artiste franco-américaine se lit également par le grand nombre de pièces, notamment décoratives, qu’elle conserva dans sa collection personnelle. Exprimant rêves, mythes et souvenirs, ces œuvres renvoient à l’ambition de l’artiste, qui avait pour objectif de répandre l’art et la joie dans la vie de tous les jours.

 

Autodidacte, Niki de Saint Phalle a de tous temps exploré des moyens d’expressions divers, produisant une œuvre joyeuse et colorée qui touchait à tous les domaines. Ses expérimentations oscillaient entre peinture, sculpture et architecture, et allaient très vite recouvrir le champ des arts décoratifs – tant sa vision d’un art total ne connaissait ni restrictions ni barrières.

Aussi, il est intéressant de relever que la conception des premières pièces de mobilier de Niki de Saint Phalle coïncident avec la création, dès 1978, de son Jardin des Tarots à Garavicchio, en Toscane – lequel allait bientôt lui faire réaliser son rêve de « vivre à l’intérieur d’une sculpture » (2). L’analogie entre ses créations quotidiennes et ses œuvres sculpturales est en effet patente. Elle gardera dans ces pièces les caractéristiques organiques, fantastiques et expressionnistes, ainsi que la taille surdimensionnée et les couleurs vives constitutives de son art, et les transposera sur des objets utilitaires – conférant à ceux-ci une valeur esthétique et symbolique forte. À la manière des traditions égyptiennes ou mexicaines, où figures animales et humaines trônent sur des éléments du quotidien ou rituels, « les objets [de Niki de Saint Phalle] ont fréquemment une dimension totémique » (3)

Comme dans toutes ses œuvres, elle convoque dans ces pièces les formes de la figure humaine, notamment des femmes, des animaux ou des monstres, et s’amuse dans un jeu de juxtapositions à créer la provocation et l’ambiguïté. « On attend seulement des sièges qu’ils soient d’apparence et de forme non figuratives » (4), rappelle l’artiste dans un courrier daté de 1996. Ainsi, le siège-sculpture anthropomorphe Clarice, dont le nom renvoie à l’une de ses amies, confond « le siège et celui qui s’y assoit » et évoque « des souvenirs de confort ou de gêne, comme lorsque, enfants, nous étions assis sur les genoux d’un adulte » (5). Il en va de même pour ses Nanas, dérivées à la fois en sculptures surdimensionnées ou en vase à fleurs, ou pour ses mythiques serpents, qu’elle utilise tant sous leur forme non dérivée que pour orner le cadre d’un miroir ou pour former les montants d’un siège.

 

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(1) Niki de Saint Phalle citée in Niki de Saint Phalle. La vie joyeuse des objets. Une donation au Musée des Arts Décoratifs – Communiqué de l’exposition organisée au Musée des Arts Décoratifs, Paris, du 9 octobre au 16 décembre 2001, p. 11.

(2) Dominique Forest, « De l’architecture aux arts décoratifs » in Ibid., p. 6.

(3) Ibid., p. 7.

(4) Niki de Saint Phalle citée in Martin Eidelberg (dir.) – Le plaisir de l'objet, nouveau regard sur les arts décoratifs du XXe siècle – Catalogue de l’exposition itinérante organisée en 1997 à Québec, Cincinnati, Montréal, Paris, Munich, Louisville, Richmond, Éditions Flammarion, Paris, 1997, p. 55.

(5) Ibid.

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